Léo Ferré

         Né en Monaco en 1916, il suit sa scolarité au collège très catholique Saint Charles de Bordighera, puis va à Paris en 1936 pour étudier le droit. La guerre terminée, il travaille comme pianiste et speaker à Radio Monte-Carlo, mais il veut chanter : dès 1946, il "monte" à Paris pour de bon. Il débute dans les cabarets : c'est l'époque des vaches maigres, de la bohème à Saint Germains-des-Près, époque qui lui a inspiré une chanson emblématique, écrite avec Francis Claude : La vie d'artiste en 1950. Il a d'abord beaucoup de mal à atteindre le grand public : ses premières chansons L'Inconnu de Londres, puis L'Homme, le piano du pauvre, excellentes pourtant, ne passent pas. Le public n'est pas prêt pour les textes de cet homme inquiet et révolté, ni pour les poèmes exigeants, accompagnés d'un seul piano et d'un homme doué pour le malheur (dixit un de ses amis). Le succès s'annonce avec La vie, Graine d'Ananar, Jolie môme, Merde à Vauban... Quand il ne chante pas Jean-Roger Cussimon (Comme à Ostende, Monsieur William) ou les poètes, Ferré est alors assez inégal dans ses textes. Soucieux d'être compris du plus grand nombre et voulant en même temps s'inscrire dans un mouvement littéraire, il évolue entre une langue un peu argotique et certaines recherches de forme, comme l'Etang chimérique. Sa musique est, à la même époque, également tiraillée entre la valse musette ou le tango d'une part, Debussy ou Ravel de l'autre. Son 1968 à lui, ce n'est pas (ou peu) mai. Sa révolution personnelle sonne en avril. A Paris, il chante à la Mutualité en pleine insurrection étudiante. Il discute et surtout écoute beaucoup, puis quitte Paris et ses barricades pour rejoindre la troisième femme de sa vie Marie-Christine, dont il aura trois enfants et qui l'accompagnera jusqu'au bout de sa route. Ce n'est que progressivement que Ferré, par sa création, son style de vie et son image, se rapproche d'une jeunesse elle-même influencée d'un côté, par " les idéaux de Mai " (avec leurs ambiguïtés) et de l'autre, par la révolution pop. En 1970, il enregistre avec le groupe Zoo C'est extra, La the nana et Avec le temps (souvenir du naufrage de son second mariage), ils deviennent d'immenses tubes, leur auteur une star riche, admirée et contestée, et son double album Amour Ð Anarchie, un classique absolu. Installé en Toscane avec sa nouvelle famille, Léo devient une sorte de patriarche adulé, adouci par l'âge, qui cultive son jardin, adore cuisiner et fait tourner son imprimerie. Dès 1975 il multiplie les tournées, avec une ardeur et une santé de jeune homme, jusqu'ˆ la fin de l'été 1992 où, à 76 ans, il doit annuler ses engagements. Lui qui reprenait Ne chantez pas la mort de son ami Jean-Roger Caussimon, ne va plus tarder à la rejoindre... Il meurt l'année suivante, le 14 juillet 1993.