Anton P. Tchekhov (1860 - 1904)

Fils d'un marchand de Crimée, Anton Tchekhov commence par étudier la médecine, de 1879 à 1884, mais il se fait rapidement connaître en publiant des contes dans diverses revues. A partir de 1886 il collabore régulièrement avec un grand quotidien de Saint-Pétersbourg , et publie la même année en volumes ses Récits divers .
Fort des encouragements du directeur du plus grand quotidien russe d'alors, Le temps nouveau, il se consacre alors
définitivement à la llittérature. Ses deux premières pièces, Platonov et Sur la grand-route sont refusées, mais en 1887 Ivanov lui offre un relatif succès. Au tournant du siècle sa vie est modifiée par sonattirance nouvelle pour la gauche politique, et par le succès de La Mouette au théâtre de Stanislavski.   Sa popularité s'accroît du succès immédiat d ' Oncle Vania (1897), des Trois Soeurs (1900) et de La Cerisaie (1904). Tchekhov apparaît alors comme le plus grand interprète des états d'âme de son époque et de son milieu.
Kropotkin , un des théoriciens de l'anarchie, a dit de lui : « personne n'a mieux réussi que Tchekhov dans la représentation de la faillite de la nature humaine dans la civilisation actuelle, et plus particulièrement de l'homme instruit, lorsqu'il est placé face à face avec la petitesse sordide de la vie de tous les jours.

A propos de Tchekhov :

C'est que Tchekhov a réussi à créer des oeuvres qui saisissent le type de regard sur la vie qui domine la sensibilité contemporaine ; ce regard relève d'un équilibre entre ce qui est, d'une part, subjectivement douloureux et, d'autre part, objectivement dérisoire, voire drôle. Ce regard double, qui nous donne à la fois la grandeur des drames et leur côté ridicule, donne à l'oeuvre de Tchekhov sa saveur et sa richesse.
Chez Tchekhov, les situations sont simples, banales, proches de ce que chacun des lecteurs ou des spectateurs peut vivre ou connaître. Par des dialogues souvent indirects, il donne un aperçu sur la vie intérieure des personnages, et c'est cette vie intérieure, plutôt que des actions extérieures, qui fait l'intérêt des oeuvres.
Tchekhov a surtout marqué l'histoire du théâtre et de la littérature par quatre pièces en quatre actes qu'il a écrites à la fin de sa vie : la Mouette (1896), Oncle Vania (1899), les Trois Soeurs (1901) et la Cerisaie (1904). Les courtes pièces présentées dans cette Soirée Tchekhov (Théâtre français de Toronto, salle Fred-Barry, 1998-1999) ont été écrites auparavant, soit entre 1886 et 1890. Tchekhov, à ce moment-là, est déjà célèbre en Russie pour ses courts récits, dont un premier recueil a paru en 1884. Le théâtre l'intéresse déjà. Vers l'âge de vingt ans, il a écrit une très longue pièce sans titre (mais qu'on appelle habituellement Platonov) qu'on ne retrouvera qu'après sa mort. En 1885, il propose une version scénique de son récit Sur la grand route, que la censure impériale rejette, choquée par le portrait sombre de la vie sordide de vagabonds que propose la pièce. En 1887, il fait jouer une première pièce dramatique, Ivanov, qui ne remporte aucun succès : ni le public ni les acteurs n'arrivent à se décider si c'est un drame ou une comédie, et de plus, la production a été sous-répétée.
L'année suivante, en 1888, Tchekhov commence à travailler à l'Esprit des lois, qui plus tard deviendra Oncle Vania. Mais sa carrière d'écrivain devient cette année-là très particulière. Tchekhov était connu pour ses courts récits teintés d'humour. Or, voilà qu'il publie la Steppe, une longue nouvelle qui révèle au public comme à la critique la profondeur et l'envergure de l'auteur. Et en même temps, il fait créer deux comédies en un acte le Chant du cygne et l'Ours, qui l'établissent avec succès comme auteur de boulevard.
Or, ces courtes comédies, sous leur apparence traditionnelles, sont novatrices, et elles servent de laboratoire à Tchekhov, qui y développe des techniques dramaturgiques qu'il utilisera plus tard dans ses pièces en quatre actes. C'est dans ces petites comédies, pourtant franchement drôles, que Tchekhov commence à effacer la ligne entre drame et comédie, et qu'il raffine ce mélange entre le risible et le pathétique qui caractérise son oeuvre.